mercredi 21 mars 2012

UN DESTIN IMPOSE

Aujourd’hui j’ai gagné, mais que sera demain ?
Je suis comme un agneau seul dans la bergerie,
Comme un loup aux abois qui se meurt sans un cri,
Car les cieux ont repris les clefs de mon  destin.

J’ai découvert ma voie, le fil de l’avenir
Qui pouvait transformer mes jours en symphonie :
J’ai voulu entrouvrir la porte de sortie
Qui pouvait assouvir mes joies et mes désirs.

Mais le fil a cassé en fermant cette issue,
Quelqu’un a fracassé le miroir du bonheur :
Demain je n’irai pas sur les flots enchanteurs,    
Ma vie aura le goût d’une attente déçue.

Rien ne sert de crier j’ai perdu toute envie,
Rien ne sert de pleurer mon âme est asséchée ;
Pourquoi me rebeller quand se trouve ébréchée
Par tant de perfidie ma passion de ma vie.

Demain je gravirai la pente qui m’enlise
Dans un projet félon à mon cœur étranger ;
Mais un jour j’agirai pour tuer ce danger,
Je lutterai sans fin pour briser son emprise.

            11 Juillet 1970 

DES REVES D’AMOUR

Viens vite t’allonger tout près de ces fleurettes,
Boire en leur calice le nectar qui jaillit
Chaque matin pour être aussitôt englouti
Dans le berceau de leur vie féconde et secrète.

Libère ton esprit sur leurs flots ondoyants
Créés pour caresser ton corps fragile et beau,
Allonge-toi sans bruit près d’un frêle arbrisseau,
Sur la couche sauvage aux parfums chato

Viens transmettre à mon corps la fièvre qui t’enflamme,
Rapproche-toi de moi et dépose des fleurs
Sur mes lèvres glacées : fais vibrer de bonheur
Par tes fougueux baisers mon cœur qui te réclame.

Une force inconnue m’abreuve de ses feux
Et vient me dessiner le plus tendre mirage :
Celui de tes yeux bleus qui partent en voyage
Dans le fond de mes yeux fatigués mais heureux.

                 11 Mai 1970

CHRISTIANE OU L'AMITIE

Nous étions deux oiseaux épris de liberté,
Enfants du sud-ouest mais pas du même port,
Nous aimions toutes deux la chaleur de l'été
Mais les années passant notre univers est mort.

Il a fui nos présents emportant pour bagage
Tous nos jeux, nos combats, même notre jeunesse ;
Il a abandonné dans nos coeurs un nuage,
Fragile torrent, source de nos tristesses.

La trame de nos vies a pu nous enchaîner
A l'ombre d'un cachot glacial et sans clarté,
Mais l'intense douleur venue nous déchaîner
A dirigé nos pas vers notre liberté.

Les cieux ont transformé le cours de nos destins
Car nous avons senti la magie du soleil
Qui, en nous réchauffant, a dissous nos chagrins
Et nous a protégées même dans le sommeil.

Notre fraternité est comme un bel été
Qui reflète l'espoir d'un monde pacifié :
Nos deux coeurs veulent croire en la pérennité
De cette douce fleur que l'on nomme AMITIE.

                  4 Mai 1970

mercredi 14 mars 2012

ASTRE MAGIQUE

Une onde ailée survole l’immense prairie
Courbant les têtes légères des herbes folles

Vers la terre maîtresse où chaque jour périt

La note enfiévrée de la sève qui s’affole.



Mais un pur royaume de parfum et d’amour

Invite sur son lit de fleurettes mon corps

Lacéré par des coups l’entraînant chaque jour

Vers un sombre destin aux sinistres accords.



Tendrement allongée sur un tapis de fleurs,

Je mêle ma tristesse à leur sève trop douce

Et plonge mon regard pour voir les profondeurs

De ce sol maternel qui se pare de mousse.



Mon visage effleuré par des doigts magnétiques,

Baigné des pleurs perlés d’un matin de printemps,

Se retrouve attiré par un astre magique

Qui vient me protéger des malheurs et du temps.



                         28 Avril 1970

POEMES EN PLEURS

Poèmes d’antan vous êtes squelettes
Sous les crocs aigus de nos professeurs,

Les langues fourchues des mauvais prophètes,

Crayons malicieux des parfaits hâbleurs.



Adieu Vigny, Hugo et Lamartine,

Tous les secrets nés de votre génie

Gisent bien loin de la source divine

Où vous puisiez les sarments de la vie.



En me purifiant au feu de vos âmes

Ma soif d’évasion parmi vos écrits

Me fait chavirer sur l’ardente flamme

D’œuvres abreuvées par vos grands esprits.



Bonjour Rimbaud, Du Bellay ou Villon,

Jamais les démons n’ont pu me pourfendre

Ni m’inoculer ce curieux poison

Dont mon cœur a su toujours se défendre.



Vos ouvrages sont pour nous des présents,

Des flambeaux sacrés au x rythmes chantants :

Bien qu’ils soient la proie de vils sentiments

Leurs vers brilleront comme des diamants.



Chantres prestigieux aux songes prospères

Vous rimez l’amour, la fraternité,

Vous êtes l’espoir, le sel de la terre,

Les preux messagers de la liberté.



                   24 Avril 1970


















POMME D’AMOUR

Pomme d’amour illuminant les ondes
Brûle le fiel et les piques immondes

Qui hantent sans fin mon cœur éperdu,

Emplissent ma vie de malentendus.



Fais ruisseler sur mon humble visage

L’unique larme d’or née d’un mirage,

Viens m’inonder de ta pure clarté,

Fredonne-moi des airs de liberté.



Viens donc pincer les cordes de mon âme,

Fais assécher la source de mon drame

Qui a mis les scellés sur mes désirs :

La vie, mon torrent, va bientôt tarir.



Redonne aujourd’hui du bleu à mon rêve

Car la haine a détruit toute la sève

Qui draine l’espoir au fil de mes jours :

Soleil sois mon roi, ma pomme d’amour.



                   17 Mars 1970

LES FLEURS DE LA FRATERNITE

Ce matin l’arc-en-ciel a courtisé mon cœur
Dans un voile d’amour, de paix et de douceur ;

Il reflète gaiement dans le bleu de mes yeux

L’éternelle chaleur d’un astre merveilleux.



Dieu flamboyant, séduisant courtisan,

Tu mêles tes rayons au souffle de l’autan,

Tu épands sur mon corps et mon esprit obscur

L’onguent constellé d’or et parsemé d’azur.



Que ne puis-je rêver au-dessous de ton aile,

Fredonner la vertu de mon âme fidèle,

Apaiser à l’envi la fièvre qui m’agite

Et libérer enfin la rage qui m’habite.



Que ne puis-je à présent, palpitante et sereine,

Apprécier longuement les parfums qui m’enchaînent,

M’élever jusqu’au cœur de ta douce clarté

Et savourer le miel de ton éternité.



Dès demain je suivrai un tout autre chemin

Et je m’installerai dans le vaste jardin

Où je cultiverai des fleurs de liberté

Aux senteurs irisées de la fraternité.



                17 Mars 1970

LES ENFANTS DE LA BALLE

Dès leur arrivée triomphale
Au pied d’une vie sans répit
Ils savent déjà qu’aucun lit
N’attend les enfants de la balle.

Leur seule amie est la nature,
Leur cœur le sait depuis toujours,
Depuis que leurs Vieux fous d’amour
Ont pris les astres pour parure.

Alors a commencé l’exode
Pour des milliers de mal-aimés
Refusant d’être décimés
Tant leur espoir régit leur code.

Depuis longtemps ils ont compris
Que leur marche de déportés
Doit s’éteindre au seuil des cités
Où ils n’ont jamais eu d’amis.

Ces grands enfants au cœur sauvage
Nés dans la boue et le frimas
Voudraient obtenir ici-bas
Un champ d’amour en héritage.

Dès leur arrivée triomphale
Au pied d’une vie de dépits
Ils se sentent déjà maudits
Puisqu’ils sont enfants de la balle.

                   24 Février 1970




































MON FRERE

Pour toi mon frère bien-aimé
Je veillerai durant le jour

Et le soir j’irai allumer

Ta lampe bleue avec amour.

Un doux frisson parcourt mon corps

Depuis qu’un astre a envahi

Ta chambre pleine de trésors

Et de parfums doux et exquis.

Quand viendra l’heure du repos

Je laisserai courir mes doigts

Sur les touches d’un vieux piano

Dont chaque son éveille en moi

Un curieux et tendre mélange

De liberté et d’allégresse ;

Puis j’étreindrai de mes phalanges

Les notes chargées de tristesse

Pour échapper à mes tourments.

Quand l’océan empli d’étoiles

S’éveillera au firmament

Mon cœur hissera la grand-voile

Pour s’égarer dans la tendresse ;

Mais je reprendrai mon labeur

Quand seront dissipées l’ivresse

Et les effluves de bonheur.

Non, je n’ai jamais eu de frère,

Ni de piano même abîmé,

Et aujourd’hui mon cœur espère

Ne plus être le mal-aimé.



                  24 Février 1970


L’ADIEU AUX ESPRITS

Un souffle nocturne envahit mon âme
Persécutée par une source amère

Et mon esprit surchargé de misère

Sent fondre sur lui les ailes d’un drame.



Esprits donnez-moi la clef de ma cage,

Libérez mon cœur de cette atmosphère

Où quelque tyran se disant mon frère

M’a emprisonnée au cœur d’un orage.



Pourquoi montrez-vous tant d’indifférence ?

Pitié car l’amour se meurt en exil,

Pitié pour mon corps souvent en péril,

Pitié pour mes jours privés d’espérance.



Si votre dessein est de m’humilier,

Meurtrissez mes chairs, accablez ma vie,

Mais n’espérez point par cette infamie

M’entendre implorer un brin de pitié.



Je préfère encore étouffer l’espoir :

Il échappe encore à ses assaillants

Qui traînent mon cœur dessus les brisants ;

Esprits laissez-moi  franchir le miroir.



                         31 Janvier 1970


LE PETIT SALTIMBANQUE

De ville en village, tout au long de l’année,
        On voit danser les saltimbanques ;

Sur les tréteaux rigides et les fils tirés

        On voit danser les saltimbanques.



Lorsque le soir descend au cœur de la cité

Les lieux sont investis par les gens du voyage ;

Ils offrent à nos yeux, malgré l’obscurité,

Un spectacle grandiose au-dessous des nuages.



On peut voir s’élancer tout là-haut sur le fil

Le corps gracile et vif d’une étoile inconnue ;

Grisé par l’infini, petit oiseau subtil,

Ce prince voltigeur s’envole dans les nues.



Seul son corps est happé par un jet de lumière

Et ses sauts audacieux nous donnent le vertige ;

Nos cœurs sont angoissés mais notre âme est bien fière

De pouvoir admirer l’ange de la voltige.



Mais soudain un frisson vient glacer l’assistance ;

Dans un élan gracieux le petit corps chétif

Tel un astre déchu vient briser le silence :

Sa vie a basculé sur un cruel récif.



Tu gis abandonné tel une marionnette

Sur ce sol nourricier souvent érubescent ;

Ton visage poupin dans la mort si muette

Est resté imprégné d’un sourire innocent.



Enfouissant dans leur cœur leurs larmes et leurs peurs

     Ils vont danser les saltimbanques ;

Gardant les yeux tournés vers les astres en pleurs

Ils vont sauter les saltimbanques.



                      22 Janvier 1970












J’AI VINGT ANS

Hier j’ai dû rêver dans un lit accueillant
Sans jamais redouter cet univers sauvage

Qui pouvait chaque instant transformer en mirage

Mes célestes gardiens, protecteurs des enfants.



Hier a disparu cet auguste berceau,

J’ai grandi insensible aux attaques de haine

Et j’ai vite conquis ce rang de capitaine

Qui m’a permis de fuir sur mon divin vaisseau.



Tant de jours ont passé et de ma citadelle

Je scrute l’horizon pour voir le carrousel

Qui amène vers moi, comme un cadeau du ciel,

Celui que je voudrais avoir pour sentinelle.



Ce matin j’ai VINGT ANS et j’oublie les hivers

Qui m’ont ensorcelée car je cherche sur l’onde

Les traces d’un bonheur dont la source profonde

M’enchaîne à tout jamais à des êtres très chers.



                  20 Janvier 1970

L’APPEL AU POETE

Pourquoi hurler, pourquoi pleurer, pourquoi gémir ?
Nul ne réagira à tes cris douloureux ;

Demain tu entendras tes bourreaux démentir

Avoir brisé l’élan de ton coeur chaleureux.



Pourquoi veux-tu briser l’antre de tes entrailles ?

Pourquoi veux-tu gésir dessus ce sol obscur ?

Panse plutôt tes plaies, bâtis quelques murailles

Et laisse s’envoler ta plume vers l’azur.



Elève ton esprit jusqu’au clair firmament

Car il y brillera à l’abri du grand Astre ;

Ton cri sera alors comme un chuchotement

Qui mettra ton esprit à l’abri du désastre.



Danse et vole gaiement jusqu’au bout du mystère

Ton cœur est impatient de voir l’éternité ;

Poète laisse choir cette lourde atmosphère

Car l’homme a entaché notre fraternité.



                             19 Janvier 1970


PARADIS DES ENFANTS

Paradis enfantin tu m’ensorcelles
Malgré les hommes et leurs lois cruelles,

Tu embaumes mes nuits et métamorphoses

Ma sinistre vie en chants mélodieux :

Ton cœur attendri projette à mes yeux

Les rêves d’enfants que tu recomposes.



L’esprit apaisé par cette vision

J’invente aussitôt un plan d’évasion :

Il doit m’entraîner loin de ma prison

Vers un paradis rayonnant de fleurs

Où l’amour pourra effacer mes pleurs

Et emplir ma vie d’espoir à foison.



Courant et volant au-dessus des flots

On croirait filer sur un paquebot

Mené tendrement par un doux sultan :

Gai comme l’oiseau, empereur des cieux,

Ce charmant joueur ou prince audacieux

Me fait oublier mes tourments d’antan.



Comme un nouveau-né j’entre chaque jour

Dans un monde de mystère et d’amour,

Un temple serein de cœurs innocents

Qui m’offrent leurs bras radiés de tendresse.

L’homme est un enfant privé de jeunesse

Qui garde le cœur d’un adolescent.



                    13 Janvier 1970

POESIE EN DANGER

Implacables esprits assoiffés d’anarchie
Vous brisez le souffle de notre poésie :

Vous cherchez à imposer vos tristes pensées

En flétrissant l’éclat des écrits du passé.



Surréalisme ingrat tu nous hais et nous déchires,

Tu détruis nos espoirs pour asseoir ton empire

Et nos cœurs affamés de grandes évasions

Sont aussitôt saisis par d’étranges visions.



Demain j’échapperai à ta coupe sauvage,

Jamais je ne viendrai goûter à ton breuvage

Mais j’irai m’imprégner des ondes romantiques

Qui bercent les esprits de rêves poétiques.



Je m’y délecterai d’un bonheur partagé

Me laissant entraîner vers un port ombragé

Et je m’enivrerai d’étoiles scintillantes

Sous un ciel impérial aux couleurs chatoyantes.



Vole, vole mon cœur vers les astres en fleurs,

Vole jusqu’au zénith pour assécher tes pleurs :

Un vent y a semé des parfums agressifs

Pour éloigner de moi les penseurs corrosifs.



                10 Janvier 1970

JE VOUDRAIS

Je voudrais aller chanter dans les bois
                   Mais il pleut

Je voudrais aller  danser dans les bois

                   Mais il pleut.



Devrais-je me claustrer dessous le toit

De quelque prison triste et monotone

Et m’endormir pour ignorer le froid

Qui m’envahit dès qu’un vent m’éperonne ?



Je voudrais aller courir dans les bois

                   Mais il grêle

Je voudrais aller crier dans les bois

                   Mais il grêle.



Devrais-je subir le flot de détresse

Qui me submerge et m’oblige à souffrir

Ou plutôt briser le joug qui m’agresse

Et verse mes jours au camp du soupir.



Je voudrais aller dormir dans les bois

                   Mais il gèle

Je voudrais aller rêver dans les bois

                   Mais il gèle.



J’oublierai demain ces jours aux enfers

Passés à subir une cruelle loi

Et je combattrai tous les Lucifers

Qui m’ont enchaînée au quai de l’effroi.



Je vais donc chanter dans les bois

                Lorsqu’il pleut

Je vais donc rêver dans les bois

                Lorsqu’il pleut.


             18 Novembre 1969